vendredi 21 mai 2010

Comptez les papillons dans votre ville

La cinquième campagne de l’Observatoire des papillons des jardins* a commencé. Opération ouverte à tous, elle invite le grand public – vous, si vous le souhaitez – à recenser les papillons dans les jardins ou sur les balcons. Fédérés sous un site Internet, ces observateurs "constituent une bonne force de frappe scientifique", selon Benoît Fontaine, chargé de recherche au Muséum national d’histoire naturelle.

En Ile-de-France, 550 observateurs – amateurs pointus, retraités, familles – reconnaissent les papillons, les comptent et transmettent leurs données sur Internet. "L’Ile-de-France est la plus dynamique en termes d’observateurs", admet Mathilde Renard, chargée du programme Papillons et Jardins pour Noé Conservation. Dans son jardin de 250 m² à Jouy-le-Moutier (Cergy-Pontoise), Olivier Tordjman, l’un des premiers observateurs avec ses deux fils de 6 et 14 ans, scrute les papillons: "On y acquiert le sens de l’observation, la conscience de la fragilité de la nature et son respect, la volonté de comprendre." "Nous n’avons pas encore assez de données pour montrer scientifiquement que la biodiversité est en recul – en Grande-Bretagne, elle a disparu de moitié en vingt ans. Mais il est possible en revanche de tirer quelques conséquences de l’urbanisation sur la présence des papillons à Paris et en Ile-de-France", souligne Benoît Fontaine. Seules quelques espèces s’acclimatent en ville.

Contrairement à l’abeille, le papillon est sauvage
Les piérides, grands papillons blancs, sont les plus nombreux. On trouve aussi des Tircis, d’un brun mosaïqué, des bruns du pélargonium, dits encore géraniums. Olivier Tordjman voit le plus souvent des piérides blanches. "C’est 60% de nos observations. Cette année, je remarque un grand nombre de lycènes bleues, 20 à 25 individus en une journée." Une piéride blanche vole souvent aussi sous les yeux de Jean-Philippe Ambrosino, un amateur dont le jardin est dans la vallée de Chevreuse, mais qui a repéré aussi ce papillon à la Défense, sur son lieu de travail. L’œil exercé, Jean-Philippe Ambrosino raconte qu’il lui arrive de rencontrer des papillons dans le métro parisien. "A la station Blanche, j’ai vu un vulcain [noir, bande rouge]." Il a même délivré un paon du jour (rouge) prisonnier du wagon d’un train de banlieue…

Jean-Philippe Ambrosino a repéré une dizaine d’espèces sur les vingt-huit du panel de Noé Conservation, une quinzaine pour Olivier Tordjman. Comment expliquer une telle rareté en zone urbaine? "Ce n’est pas une question de nourriture – chenilles et papillons ont ce qu’il faut côté garde-manger en Ile-de-France –, c’est plutôt celle de l’habitat. En ville, l’espace haché de bâtiments, grandes masses minérales, empêche les papillons de circuler", constate Benoît Fontaine. Le souci (jaune), qui traverse la Méditerranée ne s’aventure pas à Paris. Les belles-dames (saumon et fauve) font des milliers de kilomètres mais ne restent pas. Car, en ville, les papillons rencontrent aussi un problème de liaison entre les espaces verts où ils pourraient vivre. Les premières observations montrent aussi que les espèces sont très casanières: les Tircis ne sortent pas du parc de Sceaux. Les populations de papillons vivent alors en vase clos et s’affaiblissent génétiquement, phénomène négatif pour la biodiversité.

L’abeille reste donc la reine de la ville. Pourquoi? "Même fragile, l’abeille est un animal domestique, aidé par l’homme. Les papillons sont sauvages, dotés de leurs seules ressources pour survivre en ville. D’où la forte signification de leur éventuelle présence sur le plan de la biodiversité", ajoute Benoît Fontaine. Reste la question de la pollinisation. Les bourdons et les abeilles y contribuent, mais quelle est la part des papillons dans cette pollinisation, essentielle pour la reproduction des fleurs et des plantes? Pour comprendre le phénomène, les observateurs des jardins ont encore bien du travail.
JDD

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