Thierry Salomon est venu à Calvi, au Festival du Vent, pour présenter un projet ambitieux: changer le visage énergétique de la France d’ici à 2050. Fini les centrales nucléaires et le gaspillage énergétique, demain l’énergie pourrait être produite écologiquement, à partir de sources renouvelables, et consommée intelligemment, en réduisant le gaspillage. Mais en pratique, comment on fait? Le président de l’association Négawatt nous a répondu.
Vous préconisez une sortie du nucléaire, mais par quoi peut-on remplacer les 80% d’électricité qui, en France, viennent de l’atome?
Tout d’abord, on le remplace par la sobriété et l’efficacité. Les consommations inutiles et les gains possibles sur les appareillages électriques sont considérables. Ensuite, nous préconisons une montée en puissance de l’ensemble de toutes les énergies renouvelables. On ne remplacera pas 80% de nucléaire par 80% d’éolien, même si l’énergie du vent représente la source la plus importante. Il faut aussi compter sur le photovoltaïque, l’hydraulique sans construction de nouveaux grands barrages, et sur la biomasse et le biogaz en cogénération d’électricité et de chaleur. Avec des systèmes qui permettent le stockage et la répartition de l’énergie pour équilibrer l’offre et la demande, et en rénovant les bâtiments pour consommer moins de gaz de chauffage, on peut y arriver. Mais notre scénario n’est pas un scénario de sortie du nucléaire en tant que tel, c’est un scénario de transition énergétique qui s’appuie sur les territoires avec des productions d’énergie locale qui feraient participer les citoyens aux prises de décisions.Quel impact cela aurait-il sur la facture d’énergie?
La sobriété permettrait de réduire de 15% la consommation d’énergie, sans frais. L’efficacité énergétique des appareils ajouterait 40% d’économies, ce qui bien sûr se répercuterait sur la facture. Les appareils pourraient coûter un peu plus cher à l’achat, environ 10%, mais le coût du kWh n’augmenterait que très peu. Il ne faut pas oublier que c’est surtout la volatilité des prix, par exemple en période de pic hivernal, qui fait augmenter le coût du kWh. Donc en assurant une résistance aux crises énergétiques, on stabilise le prix unitaire. Comme la facture représente ce coût multiplié par la consommation, qui serait en baisse, elle n’augmenterait pas forcément.Et pour le carburant des voitures, par quoi remplace-t-on le pétrole?
Une mesure immédiate serait de réduire la vitesse autorisée de 10km/h sur les routes et 20km/h sur les autoroutes comme l’ont fait beaucoup de pays européens. Ensuite on développe les transports collectifs, mais ils ne répondront pas à tous les problèmes. La voiture individuelle restera un instrument de mobilité, mais il faut distinguer ses usages: il faut bannir le moteur à explosion en ville et conserver, pour les grands trajets, des berlines hybrides au gaz (produit par méthanisation de déchets par exemple) et à l’électricité. Pour la ville, il faut développer de petits véhicules électriques dont les vitesses faibles sont compatibles avec d’autres modes de transport, comme le vélo ou la marche. Cela permettra d’apaiser les villes, en diminuant le bruit, et de gagner de la place.http://www.20minutes.fr/article/814694/thierry-salomon-il-faut-bannir-moteur-explosion-ville