Le phénomène avait commencé à inquiéter au cours des années 80 : au-dessus de l'Antarctique, la couche d'ozone, bouclier naturel de notre planète contre les ultra-violets qui attaquent la végétation et peuvent provoquer cancers de la peau et cataractes, était endommagée. Mais l'Antarctique est une zone désertique, et après une brève mobilisation internationale qui avait abouti à l'interdiction globale des polluants les plus agressifs, d'autres préoccupations avaient pris le dessus. Comme celle, tout aussi réelle, que représente le réchauffement climatique. Pourtant, le fameux "trou" n'a pas disparu. Il se reforme à intervalles réguliers, au gré des saisons. Et désormais, le continent le plus au sud de notre planète n'est plus le seul concerné : car le continent arctique, jusqu'alors moins menacé, a connu à son tour cette année une diminution spectaculaire du taux d'ozone présent dans sa haute atmosphère. Un trou d'une taille équivalente à cinq fois la surface de l'Allemagne s'y est ouvert, égalant pour la première fois la diminution observée dans l'Antarctique. Et il s'est déplacé durant une quinzaine de jours au-dessus de l'Europe de l'Est, de la Russie et de la Mongolie, exposant parfois les populations à des niveaux élevés de rayonnements ultra-violets.
Pour les scientifiques qui ont observé le phénomène, et ont publié leurs travaux dimanche dans la revue Nature, ce "trou" massif s'explique par une conjonction de facteurs humains et naturels - en l'occurrence, la combinaison de la pollution atmosphérique et de la météo. L'ozone, une molécule composée de trois atomes d'oxygène, se forme dans la stratosphère. Mais ce bouclier naturel contre les rayonnements dangereux est régulièrement attaqué au niveau des pôles au moment de l'hiver et du printemps, en partie à cause des composés chlorés (chlorofluorocarbones ou CFC) utilisés par l'homme dans les systèmes de réfrigération et les aérosols.
La faute au "vortex polaire"
De manière naturelle, le dioxyde de carbone dégrade lui aussi l'ozone, mais dans le cas des CFC, cet effet destructeur est multiplié par 20.000. La production de CFC est désormais quasiment nulle, grâce au protocole signé en 1985 à Montréal. Mais les CFC rejetés au cours des années précédentes restent présents en grande quantité dans l'air. Et ils continueront à attaquer l'ozone de la haute atmosphère pendant des siècles, aidés en cela par le froid, qui accélère le processus. Sous l'effet des basses températures, la vapeur d'eau et les molécules d'acide nitrique se condensent pour créer des nuages dans les couches basses de la stratosphère. Dans ces nuages se forme du chlore qui aboutit à la destruction de l'ozone. Or, la fin de la période hivernale en 2011 a été marquée par des froids intenses dans l'Arctique.
Le trou dans la couche d'ozone est habituellement beaucoup plus important en Antarctique qu'en Arctique car il y fait beaucoup plus froid. Les relevés effectués jusqu'alors au Pôle Nord indiquent que la diminution d'ozone est très variable et généralement bien plus limitée que dans l'hémisphère sud. Des observations satellitaires menées entre l'hiver 2010 et le printemps 2011 ont pourtant montré que la couche d'ozone avait été soumise à rude épreuve à une altitude comprise entre 15 et 23 km. La perte la plus importante - plus de 80% - a été enregistrée entre 18 et 20 km d'altitude. "Pour la première fois, la diminution a été suffisante pour qu'on puisse raisonnablement parler de trou dans la couche d'ozone en Arctique", estime l'étude publiée dimanche.
Le responsable est un phénomène connu sous le nom de "vortex polaire", un cyclone massif qui se forme chaque hiver dans la stratosphère arctique et qui l'an dernier est né dans un froid extrême, explique Gloria Manney, du Jet Propulsion Laboratory, en Californie. "La destruction de l'ozone a commencé en janvier, puis s'est accélérée à tel point que les concentrations d'ozone dans la région du vortex polaire étaient bien inférieures à celles de l'an dernier", dit-elle. Des valeurs particulièrement basses ont été observées "durant 27 jours en mars et au début du mois d'avril, sur une surface d'environ deux millions de km2", précise la scientifique. Un chiffre équivalent à la destruction de l'ozone en Antarctique au milieu des années 80. Et c'est courant avril que le vortex s'est déplacé au-dessus de régions plus densément peuplées de Russie, de Mongolie et d'Europe de l'Est. Des mesures effectuées au sol ont montré "des valeurs inhabituellement élevées" d'ultra-violets avant que le vortex ne se dissipe.
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