Les sources d'énergie fossiles ne sont pas illimitées. Or, la demande d'énergie mondiale ne cesse de croître, notamment avec l'essor industriel des pays émergents. Qu'arrivera-t-il lorsque les gisements de charbon, de gaz ou de pétrole du monde entier s'épuiseront ? L'énergie deviendra de plus en plus difficile, et donc de plus en plus chère à produire. Mais par quoi la remplacer ? Les énergies alternatives dont on dispose à ce jour restent insuffisantes pour répondre aux besoins.
Imaginez à présent une source d'énergie quasi-illimitée, facile à produire, facile à utiliser, tirée d'une matière première aussi abondante que l'eau, et à l'aide de matériaux que l'on peut aisément se procurer... Un fantasme d'ingénieur ? Sans doute, mais il pourrait devenir une réalité, si la découverte faite récemment par des chercheurs américains débouche un jour sur des applications concrètes et à grande échelle. Ce qui reste encore à réaliser... Ces chercheurs, qui ont publié cette semaine leurs travaux dans la revue américaine Science, ont tout simplement reproduit le phénomène de la photosynthèse. Ils ont pour cela créé une feuille artificielle, qui se révèle, tout comme une vraie feuille d'arbre, capable de transformer la lumière du soleil directement en énergie. Pour cela, aucun branchement externe n'est nécessaire, aucun circuit de contrôle. Et cette énergie n'a pas besoin d'être utilisée sur le moment : elle peut être stockée pour être utilisée plus tard.
De la silice, du cobalt et du nickel
Comment ont-ils réalisé ce petit miracle ? Grâce à une base de silice comportant différent matériaux catalytiques attachés sur les deux côtés. Il suffit de placer cette feuille dans un récipient rempli d'eau et exposé à la lumière du soleil. La feuille commence alors rapidement à produire des flots de bulles d'oxygène sur un côté et d'hydrogène sur l'autre. Si cette feuille est mise dans un conteneur avec une paroi séparant ses deux faces, les bulles produites peuvent alors être récupérées et stockées pour être utilisées ensuite afin de produire de l'électricité. Ainsi, en plaçant les bulles d'oxygène et d'hydrogène dans une pile à combustible elles se combinent de nouveau en eau tout en produisant de l'électricité.
Comme le souligne Daniel Nocera, professeur au Massachusetts Institute of Technology, le principal auteur de l'article publié dans Science, le grand intérêt de cette "feuille artificielle" est qu'elle se compose entièrement de matériaux abondants et bon marché. Comme la silice, le cobalt et le nickel. Et elle fonctionne dans de l'eau ordinaire. Les autres systèmes pouvant utiliser la lumière du soleil pour séparer l'oxygène de l'hydrogène formant l'eau utilisaient jusqu'à présent des solutions corrosives ou des matériaux assez rares et chers tel le platine. Cette dernière feuille artificielle consiste en une couche fine de semi-conducteurs en silice, le matériau utilisé dans la fabrication de la plupart des cellules solaires. Ces semi-conducteurs transforment l'énergie solaire en un flot continu d'électricité sans fil à l'intérieur de la feuille. Une couche de cobalt sert de catalyseur et libère l'oxygène. L'autre face de la feuille de silice est recouverte d'une couche d'un alliage de nickel, de molybdène et de zinc qui permet de libérer l'hydrogène des molécules d'eau.
"Un vrai potentiel"
"Je pense qu'il va y avoir un vrai potentiel pour cette idée", juge, confiant le professeur Nocera. "On ne peut pas être plus portable que cela", poursuit-il soulignant que ce système n'a pas besoin de fil, est très léger et ne requiert pas beaucoup d'équipement supplémentaire autre qu'un système pour capturer et conserver les bulles d'oxygène et d'hydrogène. En somme, "il s'agit seulement de jeter la feuille artificielle dans un verre d'eau et l'oxygène et l'hydrogène commencent à émerger".
Ce nouveau système n'est toutefois pas encore prêt pour la production commerciale puisque le mécanisme de collecte et de stockage notamment reste à être développé, relève le professeur Nocera. La création de cette feuille artificielle est donc "un pas" mais qui "va dans la bonne direction", conclut-il. Il est vrai qu'en matière d'énergies alternatives, ce qui manque le plus souvent, c'est non pas tant les techniques que la volonté de les utiliser.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire