Depuis le début de la crise de la centrale nucléaire de Fukushima, de nombreux produits radioactifs, principalement de l'iode et du césium, ont été "lessivés" par les milliers de tonnes d'eau qui ont été déversées par les secours pour refroidir les installations, et emportés jusqu'au Pacifique tout proche. Un phénomène aggravé par les "fuites" probables de matériaux hautement irradiés hors de l'enceinte de confinement, qu'a reconnues l'Agence de sûreté nucléaire japonaise. Selon l'opérateur Tepco et les experts de la sécurité nucléaire, cette radioactivité relâchée dans la mer se dilue avec les marées et le risque sur les algues et les animaux marins n'est pas important. Mais d'autres spécialistes estiment que si ces rejets radioactifs dans l'océan Pacifique seront sans conséquence majeure à l'échelle planétaire, ils pourraient avoir un impact notable, voire durable, sur la vie marine au large de la centrale japonaise. D'autant plus que ces fuites se poursuivent, sans que les techniciens parviennent à les maîtriser. En témoignent les taux de radioactivité sans cesse en hausse dans l'océan au large de la centrale.
L'agence de sûreté nucléaire japonaise a indiqué jeudi que cette radioactivité en mer était désormais 4385 fois supérieure à la limite admise. Mercredi, ce taux de radioactivité était supérieur de 3355 fois à cette limite. Dimanche, de 1850 fois. Les zones entourant la centrale ne semblent pas épargnées : l'agence japonaise a suggéré au gouvernement d'envisager d'étendre la zone d'évacuation décrétée autour de la centrale accidentée. Pour l'heure, les habitants ont été évacués dans un rayon de 20 km autour de l'installation. Mais l'Agence internationale de l'énergie atomique a fait savoir mercredi que la radioactivité enregistrée à Iitate, un village situé à 40 km de la centrale, dépassait l'un des critères retenus pour l'évacuation des habitants. Le Premier ministre Naoto Kan, auquel est reprochée une gestion médiocre de la crise la plus grave qu'ait affrontée le pays depuis 1945, a dit d'ores et déjà envisager d'élargir la zone d'évacuation pour contraindre 130.000 habitants à partir, en plus des 70.000 qui ont déjà été déplacés.
Tout le territoire chinois concerné
Et les effets de cette crise sont mesurables à l'étranger. Presque tout le vaste territoire chinois enregistre désormais des niveaux de radioactivité provenant de la centrale nucléaire accidentée au Japon, mais "extrêmement faibles" et ne présentant pas de risques sanitaires, selon le gouvernement chinois. Des traces qualifiées "d'infimes" d'iode radioactif ont aussi été décelées dans un échantillon de lait dans l'Etat de Washington, situé sur la côte ouest des Etats-Unis. Les agences sanitaires américaines soulignent que l'iode 131 a une période (ou demi-vie) très courte, d'une huitaine de jours, et que le niveau décelé dans le lait devrait de ce fait diminuer relativement vite. L'iode 131 peut être dangereux pour la santé parce qu'il est absorbé aussitôt par la glande thyroïde, où il peut provoquer un cancer.
Appelée à la rescousse, la France a envoyé des experts nucléaires. De son côté, Anne Lauvergeon, président du directoire d'Areva, qui est arrivée mercredi au Japon, a tenu ce jeudi une conférence de presse à Tokyo. Elle s'est rendue au Japon afin d'évaluer l'aide que le groupe français pourrait apporter à Tepco, l'exploitant de la centrale. Le président français Nicolas Sarkozy, qui était en visite en Chine mercredi et jeudi, a aussi fait un passage éclair au Japon pour témoigner de la solidarité française, mais aussi pour demander l'adoption de normes de sûreté nucléaires internationalement reconnues.