Quarante-huit heures après le tremblement de terre et le passage de la vague dévastatrice, ils sont 120 sauveteurs à décoller de l’aéroport de Roissy. La journée a commencé dès 5 heures du matin pour ceux venus de Brignoles (Var) et de Corte (Haute-Corse). Des membres de la sécurité civile de Monaco les ont rejoints. A l’aéroport Charles-de-Gaulle, ils retrouvent un détachement de sapeurs-pompiers de Paris et les unités militaires 5 et 7 de la sécurité civile basée à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir). Les unités de sécurité civile de l’armée française ont l’habitude de ce genre de mission. Elles sont intervenues aussi bien en Indonésie après le tsunami de 2004 qu’en Haïti l’année dernière. Mais cette fois-ci, elles sont à l’aube d’une opération hors norme: voler au secours d’un pays sous la menace atomique. A 4 heures du matin, l’avion s’élance dans la nuit.
Lundi 14 mars
Branle-bas de combat à l’ambassade de France à Tokyo. Les équipes préparent dans l’urgence la logistique pour acheminer l’équipe de sauveteurs vers les lieux de la catastrophe. Michelin, Nissan, Peugeot mettent à contribution des véhicules pour préparer le convoi. Les services louent des réchauffeurs d’air et du matériel et recrutent huit interprètes pour préparer l’opération. Un homme va aussi jouer un rôle clé dans l’opération: expert de l’Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), Olivier Isnard accompagne l’équipe de secouristes pour suivre l’évolution de la radioactivité à la centrale de Fukushima. Sa mission: protéger le détachement contre tout risque radioactif et rassurer l’équipe, qui n’a jamais travaillé dans de telles conditions. Chaque équipier a reçu un instrument de mesure de radiations qui affiche en temps réel le niveau de radiation auquel il va être exposé. Pas plus grand qu’une petite calculette, le boîtier ne les quittera pas.
Branle-bas de combat à l’ambassade de France à Tokyo. Les équipes préparent dans l’urgence la logistique pour acheminer l’équipe de sauveteurs vers les lieux de la catastrophe. Michelin, Nissan, Peugeot mettent à contribution des véhicules pour préparer le convoi. Les services louent des réchauffeurs d’air et du matériel et recrutent huit interprètes pour préparer l’opération. Un homme va aussi jouer un rôle clé dans l’opération: expert de l’Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), Olivier Isnard accompagne l’équipe de secouristes pour suivre l’évolution de la radioactivité à la centrale de Fukushima. Sa mission: protéger le détachement contre tout risque radioactif et rassurer l’équipe, qui n’a jamais travaillé dans de telles conditions. Chaque équipier a reçu un instrument de mesure de radiations qui affiche en temps réel le niveau de radiation auquel il va être exposé. Pas plus grand qu’une petite calculette, le boîtier ne les quittera pas.
Mardi 15 mars
Chargée de 20 tonnes de matériel, la carlingue atterrit à 4 heures du matin (heure locale) à l’aéroport d’Haneda, au bord de la baie de Tokyo. À son bord, 10.000 pastilles d’iode destinées à être distribuées aux résidents français en cas de catastrophe atomique. Trois bus, deux semi-remorques et plusieurs voitures attendent les Français. En route pour la zone sinistrée, à 300 km au nord. Chaque minute compte, alors que la température baisse dangereusement sur l’archipel. Le convoi s’engouffre sur l’autoroute vide, réquisitionnée pour les secours, et prend la direction de Sendai. Dans la soirée, les secouristes montent le bivouac sur un grand parking à 90 km de la centrale de Fukushima où la situation devient critique. Le froid se fait glacial.
Chargée de 20 tonnes de matériel, la carlingue atterrit à 4 heures du matin (heure locale) à l’aéroport d’Haneda, au bord de la baie de Tokyo. À son bord, 10.000 pastilles d’iode destinées à être distribuées aux résidents français en cas de catastrophe atomique. Trois bus, deux semi-remorques et plusieurs voitures attendent les Français. En route pour la zone sinistrée, à 300 km au nord. Chaque minute compte, alors que la température baisse dangereusement sur l’archipel. Le convoi s’engouffre sur l’autoroute vide, réquisitionnée pour les secours, et prend la direction de Sendai. Dans la soirée, les secouristes montent le bivouac sur un grand parking à 90 km de la centrale de Fukushima où la situation devient critique. Le froid se fait glacial.
Mercredi 16 mars
A 6 h 30, le détachement français passe à l’action, à 45 minutes de son lieu de bivouac. Sa mission: retrouver des corps sur une bande de 4 km sur 400 mètres, près de l’aéroport dévasté de Sendai. L’espoir de retrouver des survivants demeure, mais s’amoindrit d’heure en heure. Le spectacle de désolation dépasse l’imagination. "Tout est aplati sous la boue. Il ne reste que quelques maisons debout, remplies de mobilier fracassé. On voit des voitures encastrées dedans ou perchées sur les toits", explique le lieutenant-colonel Florent Hivert des sapeurs-pompiers de Paris, porte-parole du détachement français. La progression méthodique dans les débris est pénible et dangereuse, sous la menace permanente des éboulements. "Les conditions sont exécrables. Il y a de la boue, de la pluie, de l’eau glacée qui ruisselle de partout", explique le capitaine Bertrand Legrand.
A 6 h 30, le détachement français passe à l’action, à 45 minutes de son lieu de bivouac. Sa mission: retrouver des corps sur une bande de 4 km sur 400 mètres, près de l’aéroport dévasté de Sendai. L’espoir de retrouver des survivants demeure, mais s’amoindrit d’heure en heure. Le spectacle de désolation dépasse l’imagination. "Tout est aplati sous la boue. Il ne reste que quelques maisons debout, remplies de mobilier fracassé. On voit des voitures encastrées dedans ou perchées sur les toits", explique le lieutenant-colonel Florent Hivert des sapeurs-pompiers de Paris, porte-parole du détachement français. La progression méthodique dans les débris est pénible et dangereuse, sous la menace permanente des éboulements. "Les conditions sont exécrables. Il y a de la boue, de la pluie, de l’eau glacée qui ruisselle de partout", explique le capitaine Bertrand Legrand.
Au terme de la journée, le détachement a retrouvé seize cadavres. "Les poches de survie sont remplies d’eau et, avec le froid, les chances de retrouver des survivants cinq jours après le choc tiennent désormais du miracle", explique un sauveteur. Dès qu’ils localisent un cadavre, les Français alertent leurs collègues japonais qui sont les seuls autorisés à prendre en charge les corps. Ceux-ci sont conduits dans une chapelle ardente improvisée à Sendai, placés sous un drap blanc où les survivants viennent en silence identifier leurs proches. Le soir, sous la tente et le vent glacé les sauveteurs tirent le bilan de cette première journée éprouvante, partagé entre la satisfaction d’être enfin passés à l’action et l’amertume du bilan macabre. "Notre motivation est de sauver des vies, mais parfois il faut accepter la réalité", se désole Florent Hivert.
Jeudi 17 mars
Au milieu de ce désert de désolation, "où la boue, collante et visqueuse, a tout submergé", où les cadavres sont difficiles à repérer car ils ont pris la même couleur que la boue, quelques silhouettes font parfois leur apparition. "Nous croisons quelques familles de survivants. Elles fouillent les débris. Certains cherchent leur maison en miettes. D’autres espèrent retrouver les traces de proches portés disparus." La nuit a été de courte durée. "À trois heures du matin, nous avons reçu l’ordre de Paris de partir sur-le-champ à 300 km au nord." Une décision d’urgence, prise à la suite de l’aggravation de la situation à la centrale de Fukushima, où le niveau de radiation a fortement augmenté. "Il a toujours été clair depuis le départ que nous n’opérerions pas en cas de risque de radiation élevé."
Au milieu de ce désert de désolation, "où la boue, collante et visqueuse, a tout submergé", où les cadavres sont difficiles à repérer car ils ont pris la même couleur que la boue, quelques silhouettes font parfois leur apparition. "Nous croisons quelques familles de survivants. Elles fouillent les débris. Certains cherchent leur maison en miettes. D’autres espèrent retrouver les traces de proches portés disparus." La nuit a été de courte durée. "À trois heures du matin, nous avons reçu l’ordre de Paris de partir sur-le-champ à 300 km au nord." Une décision d’urgence, prise à la suite de l’aggravation de la situation à la centrale de Fukushima, où le niveau de radiation a fortement augmenté. "Il a toujours été clair depuis le départ que nous n’opérerions pas en cas de risque de radiation élevé."
À la cellule de crise de l’ambassade de France à Tokyo, Olivier Isnard suit heure par heure la situation sur la centrale, ainsi que la météo. "La situation est préoccupante", reconnaît l’expert, qui exclut cependant des niveaux de radioactivité nocifs sur la capitale. Surtout, la direction des vents est capitale: si jamais ils tournent en direction du nord, le détachement français pourrait être menacé. "Nous avons un logiciel qui mixe les données des météos japonaise, chinoise, ainsi que Météo France. Pour l’heure, les vents sont favorables, ils soufflent vers l’océan Pacifique." Le convoi français progresse avec difficulté à cause de la neige. Il est également retardé par une nouvelle mission: récupérer une dizaine d’Allemands et un Finlandais qui tentent d’évacuer la zone sinistrée. Le soir venu, ils arrivent à la base américaine d’Isawa, au nord d’Honshu où les GI les accueillent.
Vendredi 18 mars
"C’est notre première douche depuis Paris! Ça fait du bien d’être au chaud." Après trois nuits de transit et deux sous la tente, le détachement français retrouve un peu de confort pour la première fois depuis le départ. 120 lits de camp alignés dans un gymnase sont mis à disposition par l’US Army. "Les militaires américains viennent nous chercher deux fois par jour pour nous conduire à leur cantine. Ils nous fournissent le gîte, le couvert et un plein des véhicules." Le détachement est en stand-by sur la base et attend d’être assigné à une autre mission. À plus de 350 km de Fukushima, le risque radioactif est écarté. "C’était un risque qui planait toujours dans un coin de la tête, reconnaît Hivert. De même qu’on sait toujours qu’il y a un risque d’être enseveli lorsqu’on fouille des débris. Nous avions appris à le gérer."
"C’est notre première douche depuis Paris! Ça fait du bien d’être au chaud." Après trois nuits de transit et deux sous la tente, le détachement français retrouve un peu de confort pour la première fois depuis le départ. 120 lits de camp alignés dans un gymnase sont mis à disposition par l’US Army. "Les militaires américains viennent nous chercher deux fois par jour pour nous conduire à leur cantine. Ils nous fournissent le gîte, le couvert et un plein des véhicules." Le détachement est en stand-by sur la base et attend d’être assigné à une autre mission. À plus de 350 km de Fukushima, le risque radioactif est écarté. "C’était un risque qui planait toujours dans un coin de la tête, reconnaît Hivert. De même qu’on sait toujours qu’il y a un risque d’être enseveli lorsqu’on fouille des débris. Nous avions appris à le gérer."
Depuis leur montée vers la zone sinistrée, les appareils de mesure du niveau de radioactivité ont relevé une hausse des radiations, mais à un niveau sans effet sur la santé. À la cellule de crise de l’ambassade, face à la carte de la région, on étudie les possibilités de mouvement du détachement. Après quatre jours dans l’archipel, les sauveteurs attendent de repartir secourir cette population qui les a frappés par sa dignité, mais aussi la distance que prennent les victimes vis-à-vis de la catastrophe. "C’est un peuple stoïque. Lorsque nous les croisons, ils ne montrent pas leurs émotions. Ici pas de cris, pas de larmes ni de scènes d’hystérie, explique Hivert. Un peuple pudique avec qui le contact n’est pas facile. Ici, ce n’est pas le Moyen-Orient!" Des images les hantent: les cadavres, bien sûr, mais aussi ces objets personnels retrouvés, qui témoignent de la vie quotidienne d’habitants pour la plupart disparus. Comme cet album photos souillé par la boue, où plusieurs générations d’une même famille posent ensemble.
Samedi 19 mars
Au matin, le détachement est toujours bloqué sur la base d’Isawa, dans l’attente d’une nouvelle mission. Au ministère des Affaires étrangères, on explique que la nouvelle affectation n’a pas encore été décidée. En réalité, les négociations entre diplomates français et japonais s’éternisent. Tokyo n’a pas apprécié que la France délocalise ses troupes de son propre chef au nord. "Retourner à Sendai n’est pas acceptable pour nous du fait des risques radiologiques", explique une source française à l’ambassade. La France a proposé de mettre ses troupes au service de la logistique pour gérer l’arrivée du matériel humanitaire à l’aéroport d’Isawa… Sur la base américaine, les hommes prennent sur eux. Le lieutenant-colonel Hivert: "C’est un peu frustrant, mais une mission ne se passe jamais exactement comme on le souhaite." Les vétérans ont l’habitude des retards, des attentes interminables et se montrent fatalistes. "Aujourd’hui, les chances de retrouver des survivants tiennent du miracle. Les Japonais vont peut-être estimer qu’ils n’ont plus besoin de nous et passer au stade de la reconstruction. Nous, notre métier c’est l’urgence."
Au matin, le détachement est toujours bloqué sur la base d’Isawa, dans l’attente d’une nouvelle mission. Au ministère des Affaires étrangères, on explique que la nouvelle affectation n’a pas encore été décidée. En réalité, les négociations entre diplomates français et japonais s’éternisent. Tokyo n’a pas apprécié que la France délocalise ses troupes de son propre chef au nord. "Retourner à Sendai n’est pas acceptable pour nous du fait des risques radiologiques", explique une source française à l’ambassade. La France a proposé de mettre ses troupes au service de la logistique pour gérer l’arrivée du matériel humanitaire à l’aéroport d’Isawa… Sur la base américaine, les hommes prennent sur eux. Le lieutenant-colonel Hivert: "C’est un peu frustrant, mais une mission ne se passe jamais exactement comme on le souhaite." Les vétérans ont l’habitude des retards, des attentes interminables et se montrent fatalistes. "Aujourd’hui, les chances de retrouver des survivants tiennent du miracle. Les Japonais vont peut-être estimer qu’ils n’ont plus besoin de nous et passer au stade de la reconstruction. Nous, notre métier c’est l’urgence."
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