Washington veut interdire à Ottawa d'autoriser les non-Inuits à chasser l'ours polaire. Ottawa répond à Washington de se mêler de ses affaires. Ah qu'on aime ces petites guerres intestines à l'Amérique ! On s'en amuserait presque, si la survie de l'ours polaire n'était pas en jeu. Il en reste entre 20.000 et 25.000, disséminés entre l'Alaska, le Canada, le Groenland, la Norvège et la Russie. C'est bien moins que l'éléphant, que la baleine ou encore le gorille qui font l'objet de protections solides, notamment d'une interdiction de commerce internationale. Or l'ours polaire continue à être chassé. Chaque année, environ 700 chasseurs, Inuits et étrangers, abattent un ours blanc. L'icône du réchauffement terrestre continue à se faire tirer dessus comme un vulgaire lapin ! Pas en Norvège ni en Russie, qui en ont interdit la chasse depuis un demi-siècle (hormis le braconnage qui, selon le WWF, tuerait 200 ours russes chaque année), mais en Alaska, au Groenland et surtout au Canada. Pour des motifs culturels, les Inuits sont autorisés à vendre la peau de l'ours blanc après l'avoir abattu.
Le gros problème, qui reste en travers de la gorge des Américains et surtout des organisations de protection animale américaines, c'est qu'Ottawa autorise les Inuits à revendre leurs autorisations de chasse. Il y a une fortune à se faire : certains rois de la gâchette sont prêts à débourser plus de 10.000 dollars pour s'offrir ce petit plaisir. Chaque année, ils étaient ainsi plusieurs dizaines de chasseurs américains à s'embarquer pour une petite balade en traîneau, assassine. Mais patatras ! En 2008, Washington interdisait l'importation de trophées. Du coup, l'année suivante, les chasseurs américains ont déserté la banquise (vite remplacés par les Japonais). À quoi sert de tuer un ours, si on ne peut pas en ramener la peau à la maison pour impressionner ses voisins ou pour faire l'amour à sa femme dessus ?
Tuer l'icône du réchauffement climatique restera certainement autorisé
Mais Washington ne veut pas s'arrêter en si bon chemin. À Doha, pour la 15e session de la CITES, les États-Unis proposent un classement en annexe 1 de l'ours polaire pour dégoûter les chasseurs non inuits. Inutile de dire que le Canada l'a plutôt mauvaise et fait feu de tout bois pour contrecarrer la proposition américaine. Ce qui est absolument savoureux, c'est que le Canada a trouvé du renfort auprès de plusieurs grandes ONG de conservation (Traffic) et même du secrétariat du CITES. Effectivement, malgré la chasse, la population d'ours polaires n'a pas vraiment régressé depuis 15 ans. Si bien que l'espèce ne remplit aucun des trois critères nécessaires pour avoir les honneurs de l'annexe 1, à savoir une population de moins de 5.000 individus, une baisse rapide des effectifs au cours des dernières années, ou encore une importante diminution du territoire fréquenté.
En fait, les ONG soupçonnent les États-Unis de machiavélisme. En prenant la défense de l'ours blanc, Washington ne chercherait qu'à reverdir son image déplorable pour avoir fait échouer la conférence de Copenhague sur le climat. Or les écologistes et les biologistes affirment que la véritable épée de Damoclès qui menace l'ours polaire, ce n'est pas la chasse, mais le réchauffement de la banquise. Sa disparition programmée pour la fin du siècle condamnera définitivement l'ours polaire sauvage, car il en restera toujours quelques centaines dans les zoos.
Bref, même si les États-Unis trouvent quelques pays pour soutenir leur proposition à Doha, il est peu probable qu'ils obtiendront les deux tiers des votes (sur 175) nécessaires. Que les chasseurs du monde entier se rassurent : ils pourront continuer à défier le plus grand carnivore de la planète. Tuer l'icône du réchauffement climatique restera certainement autorisé. Dans quel monde on vit...
le Point
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