Envolé le patrimoine, disparu. Il ne reste aujourd’hui qu’un journal, celui qui paraîtra quelques jours plus tard et qui témoignera du désastre encouru par la famille Itakura. Avec deux photos, une avant, une après le passage du tsunami. Les bâtiments de l’entreprise disparaissent sous les flots. Le malheur aurait pu s’arrêter là. Après tout, ils n’habitent pas là, ce n’est que du matériel. Mais le destin avait d’autres projets pour les Itakura. Ils ne sont pas encore remis de ces flots dévastateurs que le lendemain, la terre gronde, le ciel se fâche.
La centrale dont ils n’entendaient jamais parler
D’où vient le danger maintenant? D’un bruit, d’un terrible bruit qui retentit à 16 heures au loin, à la centrale de Fukushima. La centrale dont ils n’entendaient jamais parler, la centrale où ils n’allaient jamais. Eh bien d’une certaine manière, c’est elle qui ira vers eux, allant même jusqu’à les chasser de chez eux.
Première évacuation. A Haramachi, au nord de Minami- Soma. En voiture. En laissant tout derrière eux. Le lendemain, inconscients du danger ou pas, ils tentent en vain de retourner chez eux. Des policiers le leur interdisent. Mais ils insistent. Une heure, juste le temps de prendre quelques affaires. Et une certitude, celle de revenir, très vite. La preuve, ils ne portent que des sandales. Qui partiraient pour toujours en sandales? Mais rien ne se passe, au contraire. La distance se creuse. Ils sont évacués une deuxième fois, plus loin encore. Ce sont les parents qui parlent, racontent. Leur fille intervient de temps à autre, rit parfois en se cachant la bouche. Le 16 mars au matin, après un trajet de nuit, ils atteignent Fugisava. Ils ne sont plus dans la préfecture de Fukushima. Ils y restent jusqu’au 24 mars.
"On fait comment?"
Ayako Itakura, 66 ans, la maman, pleure doucement. "Nous étions des réfugiés dans notre propre pays et on n’avait nulle part où aller." Kaori, sa fille intervient, inquiète et soulagée, souligne que c’est la première fois que sa maman pleure. "Le fait de tout raconter par le menu pour la première fois sans doute." Ce sera le patron de Kaori, 42 ans, qui les sauvera. En leur proposant une maison, cette petit maison où ils se trouvent aujourd’hui, entourés de cartons et de valises. "Ils nous ont donné des vêtements, nous ont offert l’asile, eux des étrangers qui ne nous connaissaient même pas."
A la veille du 21 avril, date à laquelle le gouvernement japonais annonce une zone d’exclusion totale de 30 kilomètres dans la préfecture de Fukushima, la famille retourne chez elle, encore une fois, chercher des vêtements bien sûr, mais surtout des papiers, ceux de la banque. "Ils nous avaient mis trois couches de sac plastique pour protéger nos mains et au retour ils ont évalué le taux de radioactivité". Mais la famille Itakura joue avec le feu. Et revient, une troisième fois. En secret. "Cette fois on n’a pas fait de test, forcément."
Le temps ne passe plus chez les Ittakura. "Avant, on se levait, se couchait tard, fatigué, heureux d’avoir travaillé. On avait des clients." Envisagent-ils de refaire leur vie ailleurs? Difficilement, bien sûr. Leur communauté est dispersée, où sont leurs amis, leurs connaissances? "Vous savez, souffle la maman, on appartient à la vielle génération, on s’est aperçu qu’on avait que les numéros de téléphone fixe. Tout est sous l’eau maintenant. Et surtout, on n’avait pas de portable. On fait comment alors? "
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