mercredi 20 juin 2012

Japon: élites et population divisées sur la relance de réacteurs nucléaires

Politiciens, intellectuels, industriels ou simples citoyens japonais, tous étaient divisés après la décision du Premier ministre de relancer deux réacteurs nucléaires de l'archipel, alors même que les mesures nouvelles de sécurité ne seront achevées que dans trois ans.
Les manoeuvres de redémarrage du réacteur 3 de la centrale d'Ohi (ou Oi) dans l'ouest du Japon ont débuté samedi, celles pour le numéro 4 sont prévues pour jeudi, s'est félicité l'opérateur Kansai Electric Power, qui avait tempété tant et plus auprès du gouvernement pour obtenir le feu vert final.
La décision définitive des autorités a été prise samedi matin au terme d'un long processus protocolaire, en dépit des protestations d'une partie de la population.
Le chef du gouvernement, Yoshihiko Noda, avait clairement exprimé une semaine auparavant son intention d'autoriser les réacteurs 3 et 4 d'Ohi, jugés sûrs par les autorités compétentes, à refonctionner.
Il s'agit du premier réel redémarrage de réacteur depuis la catastrophe de Fukushima survenue le 11 mars 2011 à la suite du séisme et du tsunami qui ont dévasté le nord-est de l'archipel.
Le jugement du gouvernement est cependant loin de faire consensus, bien que M. Noda eût auparavant promis de ne prendre de décision "qu'après avoir obtenu la compréhension de la population".
"Il y a des opinions divergentes, mais le rôle des hommes politiques est de trancher, c'est d'autant plus important dans les cas où tout le monde n'est pas d'accord", a justifié samedi le ministre de l'Industrie, Yukio Edano.
Ce faisant, le gouvernement a semblé ignorer les récentes mises en garde d'experts sur la sismicité alentour et les appels à davantage de réflexion y compris de la part de près d'un tiers des parlementaires du Parti démocrate du Japon (PDJ), majoritaire à la Diète et présidé par le Premier ministre en personne.
"Il est extrêmement regrettable que soient remis en service ces réacteurs", a déploré le gouverneur de la préfecture de Fukushima, Yuhei Sato, estimant qu'à ce stade la sécurité de l'ensemble des centrales atomiques est loin d'être garantie, d'autant que dans le cas de Fukushima, l'enchaînement des faits n'a pas encore été clairement établi.
C'est un choix politique qui repose plus sur la stabilité d'approvisionnement que sur la sécurité, a critiqué son homologue de Shizuoka, Heita Kawakatsu, approuvé par d'autres.
"Que cesse un pouvoir qui privilégie l'économie au détriment de la sécurité de ses citoyens", s'est de même agacé le journaliste dénonciateur de scandales Satoshi Kamata, un des meneurs du mouvement "Adieu l'énergie nucléaire" soutenu par le prix Nobel de littérature Kenzaburo Oe et quelque 7,5 millions de pétitionnaires.
Même des personnalités qui, sur le principe, sont pour le redémarrage des réacteurs, trouvent la démarche du gouvernement un tant soit peu hâtive et cavalière.
C'est le cas de Nobuteru Ishihara, un des ténors du Parti libéral démocrate (PLD), principale formation d'opposition, qui qualifie d'"horrible" le fait que le Premier ministre décide "sur la foi de critères de sécurité provisoires" de remettre en marche des réacteurs alors même que l'instance de régulation qui s'est exprimée à leur sujet reste encore sous la tutelle du puissant ministère de l'industrie (Meti), ouvertement pro-nucléaire.
Une structure plus indépendante, réclamée par l'Agence internationale de l'Energie atomique (AIEA), doit être mise en place, mais le processus législatif traîne.
Pas avant 2015
Dans les milieux économiques et industriels, si le chef de la fédération patronale Keidanren s'est réjoui haut et fort en disant "espérer que les autres réacteurs stoppés (48 sur 50) redémarreront aussi", des figures influentes ont réagi en sens opposé.
"Lors de sa conférence de presse du 8 juin, le Premier ministre a affirmé qu'à Ohi, même en cas de séisme et de tsunami, un accident tel que celui de Fukushima ne se produirait pas. Mais les travaux à réaliser pour s'en assurer ne sont pas faits. Que se passera-t-il si un désastre survient avant ?", interroge le PDG de Softbank, Masayoshi Son, profondément antinucléaire.
Les plans de la compagnie Kansai Electric, gérante de la centrale d'Ohi, prévoient divers renforcements de la sécurité du site, mais le tout ne sera pas terminé avant 2015.
A l'inverse de résidents d'Ohi, surtout préoccupés par la santé économique immédiate de leur région, les plus choqués par le choix du gouvernement sont les personnes chassées sine die de chez eux par la catastrophe de Fukushima.
"Est-ce que pour le gouvernement, ce qui s'est passé à Fukushima est un fait survenu dans un autre pays ?", demande avec tristesse Hirohi Hasegawa, ex-habitant de Minamisoma, à une vingtaine de kilomètres de la centrale Fukushima Daiichi en péril.
http://www.20minutes.fr/monde/955475-japon-elites-population-divisees-relance-reacteurs-nucleaires

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