mercredi 13 juin 2012

Mozambique: Du manioc pour remplacer le charbon dans les réchauds

Le manioc, aliment traditionnel en Afrique, pourrait aussi devenir une source d'énergie...
D'ordinaire, le manioc finit dans l'assiette, mais chez Maria Douca au Mozambique, il sert de carburant dans son nouveau réchaud, couvé des yeux par les promoteurs danois et américain de ce projet bio-innovant. Alors que de nombreux pays africains s'évertuent à réduire les montagnes de bois de chauffe englouti pour la cuisson des aliments, ce poêle a un avantage: il est sans charbon pour l'utilisateur et, pour ses vendeurs, il peut générer de précieux crédits carbone hautement monnayables. Le mécanisme est simple: une entreprise d'un pays industrialisé investit dans un projet réduisant les émissions de CO2 dans un pays en développement. En échange, elle obtient des crédits carbone revendus à des industriels ayant besoin de réduire leur bilan carbone. Ici, le trio qui opère est le groupe danois Novozymes, la banque Bank of America Merrill Lynch et une société américaine de capital-risque Cleanstar.

Changer les méthodes de cuisson est difficile

A Maputo, 200 réchauds ont été écoulés en avril-mai. Mais Joseph Hanlon, fin connaisseur de l'économie locale, reste sceptique. «Les pays en développement croulent sous les centaines, voire les milliers de tentatives d'améliorer les poêles. Ça marche à petite échelle mais n'est jamais largement adopté. Et il y a beaucoup de raisons à ça. Changer les méthodes de cuisson est difficile. Les appareils trop techniques marchent rarement», dit-il. Mais «celui-ci est le premier vraiment complet. Du point de vue de l'environnement, il apporte une vraie réduction des gaz à effet de serre», affirme Abyd Karmali, directeur pour le marché carbone chez BoA Merrill Lynch. Même enthousiasme chez Novozymes, qui produit l'éthanol de manioc dans une raffinerie du port de Beira où les agriculteurs sont invités à vendre leur surplus. Son président Steen Riisgaard compte essaimer ailleurs, au Kenya, Tanzanie et Ouganda. Pour que ça marche, dit-il à l'AFP, «il faut que chaque maillon de la chaîne soit gagnant économiquement sinon ça s'effondre».
Au Mozambique, environ 85% de l'énergie vient du bois. Pour cuisiner, les habitants utilisent un poêle à charbon posé à même le sol dehors. C'est une source de maladie respiratoire, mais aussi un gouffre financier pour les ménages, le prix du charbon ayant doublé en trois ans. «J'avais des problèmes avec mes yeux quand je cuisinais par terre. Mes yeux se mettaient à pleurer et j'avais des problèmes d'asthme», dit Maria, qui approche de la soixantaine. Désormais, pour faire le thé, cuire des oeufs ou préparer un légume, elle peut cuisiner à l'intérieur de ses quatre murs. Le nouvel appareil en inox ressemble à un réchaud de camping. Il est alimenté avec des bouteilles d'un à cinq litres d'éthanol de manioc, en vente dans un seul magasin de Maputo à l'enseigne Cleanstar. Conquise, Maria a acheté un deuxième réchaud malgré son coût d'environ 20 euros, une somme qui suffit pour faire vivre huit personnes pendant une semaine. Bien que subventionné, le prix reste trois à cinq fois plus cher qu'un poêle à charbon ordinaire.

Les biocarburants ne font pas l’unanimité

Au départ, le gouvernement du Mozambique était hésitant face au projet. Les biocarburants, comme l'éthanol de manioc, sont considérés comme un facteur aggravant de la crise alimentaire à l'origine de troubles violents dans plusieurs pays. Le Mozambique, pays dont les surfaces boisées couvrent la moitié de la superficie totale (800.000 km2), utilise moins de 10% de ses terres arables, le plus faible taux d'occupation agricole de toute l'Afrique australe. Résultat, en dépit de l'importance de l'agriculture vivrière qui occupe 80% de la main d'oeuvre, le pays doit importer de la nourriture, et la malnutrition reste répandue. Les autorités se sont finalement laissées convaincre estimant qu'«il n'y a pas de contradiction entre produire de la nourriture et produire pour l'agro-industrie», selon le ministre de l'Agriculture, Jose Pacheco. «Notre pays est vaste», dit-il. De son côté, Maria a réduit de moitié sa consommation de charbon. Elle continue de l'utiliser pour griller la viande ou les gros plats mijotés. «Question d'habitude, dit-elle. On a toujours utilisé le charbon».

http://www.20minutes.fr/article/949301/mozambique-manioc-remplacer-charbon-rechauds

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